De la pratique de l’analys(t)e dans le champ de « l’analyse de la pratique » : quelle fonction pour quels enjeux ?
Je propose de mettre au travail cette année la question de l’intervention de l’analyste dans le champ institutionnel autour de ce qu’il est coutume d’appeler « l’analyse de la pratique professionnelle » ou « supervision » (encore qu’il sera sûrement nécessaire de distinguer les deux). Ce champ là de notre pratique n’est finalement qu’assez peu pensé dans les institutions psychanalytiques.
Ce groupe de travail, je le souhaite ainsi aussi ouvert que possible, à partir tout de même de cette question qui devra faire pour nous orientation : « L’analyse de la pratique en institution ou association : quels enjeux autour de la fonction de l’analyste dans ce dispositif singulier où il est convoqué ? »
La question des enjeux de ce dispositif, tout d’abord, me semble fondamentale à déplier : quels sont les bénéfices qu’en attendent les professionnels, ou bénévoles lorsqu’il s’agit d’une association ? Autrement dit, qu’en est-il de la demande, et au-delà d’elle, du désir ? Que représentent ce temps et cet espace au regard de la « bonne marche » de l’institution ? Comment les équipes l’utilisent-elles ? Comment l’investissent-elles ? Qu’est-ce qu’il s’y dit, s’y dépose ? Quelle est la fonction ou quels sont les fonctions de ce dispositif pour celles et ceux qui y participent ?
Ces questions ne sont pas sans lien avec la spécificité de ce dispositif de l’analyse de la pratique, puisque ce n’est pas comme dans la cure un sujet que nous écoutons, mais plusieurs, et qui sont pris dans des identifications horizontales, et parfois verticales, avec d’autres qui sont présents autour de la table (ou pas, comme le chef de service, la Direction). Donc qu’est-ce qu’un groupe ? Est-ce différent d’une équipe, et si oui, qu’est-ce qu’une équipe ? Qu’est-ce qui se joue dans ces rencontres où plusieurs sujets de l’inconscient se retrouvent dans une même pièce pour parler de leur pratique professionnelle ? Par ces questions est rendue sensible la problématique des relations entre singulier et collectif, car nous savons, notamment depuis Freud et son texte sur Psychologie des foules et analyse du Moi[1], que le sujet, lorsqu’il se fond dans le groupe, peut être amené à déconner[2] complètement. Nous ne sommes pas à l’abri de ce que Anzieu a pu appeler « l’illusion groupale[3] », et la question se pose, au regard de ce danger, de la position de l’analyste et de ce à quoi il doit veiller.
Ainsi au regard de ces premières questions, d’autres émergent, comme celle de savoir ce que vient faire l’analyste dans ce dispositif. Quelle est sa fonction ? A quelles demandes est-il confronté, à partir de son offre ? Comment se situer pour lui face à ces demandes, et ces discours ? Y a-t-il du transfert ? Et si oui, quelle est sa spécificité ? La manière d’intervenir de l’analyste a-t-elle des effets sur le transfert des professionnels ? Sur quoi intervient-il ? Sur le cas qui est développé ou bien sur la position qu’ont pris les professionnels en relation à ce cas ? Qu’est-ce qui l’oriente dans son écoute et comment dirige-t-il, non pas la cure, mais l’analyse de la pratique ? D’ailleurs, de la cure, quels appuis peut-il prendre pour orienter son acte, mais aussi quelles différences entre celle-ci et l’analyse de la pratique ?
Voilà les quelques questions que je propose, avec celles et ceux qui sont intéressés, de mettre au travail cette année, tout en laissant la place aux questions qui pourraient surgir, de l’effet de nos rencontres.
Prenons un exemple. L’intervention de l’analyste dans le champ institutionnel peut répondre à une demande urgente de la part des professionnels. Ceux-ci, lorsqu’on les interroge, ont une idée, pour la plupart, des raisons pour lesquelles ils sont là. Lors de la première rencontre avec une équipe d’un hôpital, certains des professionnels présents (précisons qu’ils sont tous volontaires pour l’APP) disent clairement avoir attendu avec impatience la reprise de l’analyse de la pratique, après sa suspension liée au COVID.
Lorsque je leur demande, lors de cette première rencontre, de dire ce qu’ils attendent de cet espace, ils parlent de la nécessité qu’il y a pour eux d’échanger leur point de vue avec celui des autres, de créer des contacts, de discuter autour de leurs pratiques, de retrouver du sens dans leur action. C’est urgent, vital, impérieux. Certains sont essoufflés, n’ont pas l’impression de s’y retrouver quant aux valeurs qui ont présidé à leur choix de s’engager dans ce métier, d’aide médico-psychologique, d’éducateur, d’infirmier. Pourquoi cela ?
Ces professionnels décrivent une énorme structure, une Administration qui gère et qu’ils vivent comme déshumanisée, et où les effets se font ressentir du côté d’un vécu où ils seraient « tous des numéros », pris qu’ils sont dans la « machinerie », la machinerie organisationnelle, qui les éloigne par là même de la dimension relationnelle, je dirai transférentielle, avec les résidents. Ils décrivent encore une « logique économique implacable » où il ne se passe plus grand-chose et où ils croulent sous les protocoles. Ce n’est pas nouveau, nous savons que cette logique gestionnaire est à l’œuvre, dans les institutions de soins notamment, où les grandes figures qui dirigeaient il y a quelques décennies les services (les médecins, souvent psychanalystes d’ailleurs) ont laissé place à des gestionnaires soucieux de la rentabilité et très éloignés des réalités cliniques et professionnelles.
Ce signifiant « machinerie », tout droit sorti de la bouche d’un professionnel de cette structure, n’est pas sans rappeler le livre d’O. Mannoni, La Machine, auquel Lacan fait référence dans sa leçon du 4 décembre 1957 des Formations de l’Inconscient. Cet ouvrage, publié d’abord en 1951 sous le titre de Lettres personnelles à Monsieur le Directeur me semble toujours d’actualité. De quoi s’agit-il ? Dans une colonie imaginaire, les fonctionnaires, qui remplissaient jusque-là leurs fonctions, sont remplacés par un monstre moderniste nommé la « Machine ». Jour et nuit, sans congé, sans dimanche, sans fin, la Machine propose, calcule, corrige, digère, administre. Elle sait tout et décide de tout. Cependant les fonctionnaires continuent à travailler en s’envoyant des lettres les uns aux autres. La première lettre adressée au Directeur dit ceci : « La mécanique ingénieuse qui nous a si complètement remplacés n’entretient plus avec vous que des relations abstraites et aveugles, elle ne nous demande jamais notre avis sur aucun sujet. Vous-mêmes, vous nous avez enjoint de lui abandonner toutes les questions qui sont désormais de son ressort, et, pour citer vos termes exprès, de ne plus essayer, comme “nous avons trop tendance à le faire, de lui contester une compétence dont elle a donné surabondamment les preuves”. En échange, vous nous encouragez à parler de nous-mêmes librement “à cœur ouvert”. C’est là une grande faveur que vous nous faites… Mais pourquoi cette faveur nous surprend-elle à ce point ? Comment expliquer, Monsieur le Directeur, l’inquiétude que je ressens au moment où je n’ai rien d’autre à faire qu’à vous obéir ponctuellement ?[4] ».
L’analyse de la pratique représenterait-elle pour cette équipe le pendant nécessaire et urgent de cette mécanique ingénieuse dans laquelle les professionnels sont empêtrés ? D’un côté, obéir, ne plus poser de questions, ne rien pouvoir mettre en débat, comme certains le diront, de l’autre, en APP, parler à cœur ouvert… C’est ce que j’ai pu entendre de ce qui ressort de cette première rencontre, où l’analyse de la pratique est vécue comme une respiration. Une respiration subjective, liée au dépliement de la parole.
En même temps, nous apprenons en lisant la préface de cet ouvrage, écrite en vue de l’édition italienne, que cette fiction est le récit déguisé d’une psychanalyse. Comment l’entendre ? A quoi renverrait alors ici la Machine ? Lacan a insisté sur les liens qui unissent sujet de l’inconscient et sujet de la science, en disant que dans l’un comme dans l’autre cas, le sujet est forclos, exclu, rejeté, d’un système formel qui agit sans lui. Le sujet est tout à la fois exclu de la machinerie administrative, comme le disent certains professionnels de ce service, tout comme il l’est de la Machine signifiante, comme l’indique Mannoni, d’ailleurs, dans la suite de son récit, récit dont toute la richesse tient à son ambiguïté : « Ainsi, n’est-ce pas la Machine, en nous administrant sans posséder de conscience, qui réalisera cette altérité définitive, nous débarrassera de la conscience nous aussi, et nous constituera enfin nous-mêmes en tant que purement autre (…)[5] ? » A cet endroit, une question surgit pour moi : les plaintes des sujets autour de cette machinerie qui les broie, qui les robotise, qui les transforme en objets et en marchandise, peuvent-elles toutes se ramener à la plainte, non reconnue comme telle, d’être soumis à la Machinerie signifiante, à laquelle nous sommes aliénés et de laquelle nous sommes exclus comme tels ?
Si l’on répond par l’affirmative, alors toute cette plainte concernant la machinerie administrative, fonctionnant toute seule et excluant les professionnels de toute décision possible serait à ramener du côté du grand Autre (c’est-à-dire de la machinerie signifiante) auquel nous sommes aliénés, eu égard à la question de notre désir.
Faut-il entériner cette lecture ? Peut-être seulement en partie. Car la violence avec laquelle parfois l’Administration, prise dans une logique exclusivement comptable, capitaliste, gère les sujets, conduit à une déshumanisation qui ne respecte plus le temps nécessaire à la symbolisation du Réel qui leur tombe parfois dessus. Comme le dit J. Rouzel : « Il est évident que les tentatives folles de maîtrise connues de nos jours sous le nom de management, gouvernance, accompagnées des démarches qualité, normes iso, évaluations-contrôles etc., validées par la montée au zénith des neurosciences cautionnant l’avènement d’un homme-machine[6], parasitent les institutions thérapeutiques, éducatives et pédagogiques. Dans sa position d’extériorité, le déplacement du superviseur participe alors d’une forme de subversion de ce discours dominant qui réifie, chosifie, aliène[7] le vivant des sujets et des institutions[8] ».
Lors de cette première séance, les professionnels parlent de la brutalité avec laquelle, lorsqu’un résident meurt – et parfois est-ce un résident de longue date qui a marqué la structure, qui avait créé des liens forts avec certains – il faut libérer la chambre dans les deux jours, pour y mettre quelqu’un d’autre. Le signifiant « disparition » vient prendre place dans les débats, et des idées sont émises pour symboliser la mort de ces résidents (par exemple planter un arbre). C’est-à-dire, finalement, quoi ? Eh bien je l’entends comme une tentative de retrouver, de se reconnecter, tel Hamlet grâce à la mort d’Ophélie, à l’objet a, perdu, au lieu de continuer à errer comme des pantins désarticulés et à l’heure de l’autre (de la machinerie et de ses protocoles, et ses bonnes pratiques). Je leur renverrai en fin de séance que la disparition, en effet, empêche tout processus de deuil, donc toute perte.
Ainsi, cette séance d’analyse de la pratique aura permis, sans que j’aie d’ailleurs beaucoup à intervenir, une réappropriation du savoir insu par les professionnels eux-mêmes. En effet, que disent-ils ? Nous pouvons ici nous appuyer sur ce que dit Lacan dans le séminaire XVII, L’Envers de la psychanalyse[9], de la figure du prolétaire. Le prolétaire, contrairement à l’esclave, est un sujet dont l’utilité du savoir n’est plus reconnue par l’Autre, où seul vaut désormais le savoir moderne, formel, généralisable, protocolaire, du discours scientifico-capitaliste. Lacan dit : « Son savoir, effectivement l’exploitation capitaliste l’en frustre en le rendant inutile[10] ». Le discours des professionnels laisse entendre qu’au sein de ce travail organisé, cadencé, maîtrisé et dirigé par la machine administrative, il leur est nécessaire de trouver des espaces où ils peuvent sortir de ce travail à la chaîne, et inventer, créer, innover, se mettre en lien de nouveau avec leur savoir inconscient. Déjà, dans d’Un Autre à l’autre, Lacan posait la question : « Le prolétariat ça veut dire quoi ? Ca veut dire que le travail est radicalisé au niveau de la marchandise pure et simple, ce qui veut dire bien sûr que ça réduit au même taux le travailleur lui-même[11] ». En écoutant certains professionnels parler, je repensais à l’anecdote qu’il décrit dans ce même séminaire où il dit avoir visité l’usine Fiat et en avoir éprouvé de la honte : « J’ai eu vivement ce sentiment, en effet, de voir des gens occupés à un travail sans que je sache absolument ce qu’ils faisaient[12]. Moi, ça m’a fait honte. A vous, ça ne vous le fait pas, tant mieux. Mais enfin, j’ai été très gêné. J’étais justement avec le patron, Johnny, comme on l’appelle, comme je l’appelle. Johnny, lui aussi, était manifestement… enfin, lui aussi avait honte ». Lacan conclura : « Le capitalisme sert justement à quelque chose et nous ne devrions pas l’oublier. C’est les choses qu’il fait qui ne servent à rien[13] ». L’ouvrier réduit à servir un discours, en faisant des choses qui ne servent à rien, pourra être gagné par la honte d’être réduit à sa fonction d’automate, a, d’un discours. Peut-être est-ce le sens de l’intervention d’une professionnelle qui indique : « Le soir, je rentre, et je me rends compte que j’ai fait le gendarme toute la journée. Je m’interroge sur le sens, il y a un mal-être en ce moment ». Ce mal-être lié à la perte de sens, il me semble l’entendre souvent dans les discours des professionnels.
Rappelons que Lacan, dans la première page du premier séminaire Ecrits techniques de Freud, rapproche la découverte freudienne de la question du sens : « Avec la Science des rêves, quelque chose d’une essence différente, d’une densité psychologique concrète, est réintroduit, à savoir le sens ». Et plus loin : « (…) quand on interprète un rêve, on est en plein dans le sens, dans quelque chose de fondamental du sujet, dans sa subjectivité, ses désirs, son rapport à son milieu, aux autres, à la vie même[14] ». Il ne faut pas, me semble-t-il, interpréter là le sens comme quelque chose qui renverrait à l’univocité, mais plutôt entendre avec Lacan que Freud a retrouvé la direction du sujet, vectorisé qu’il est dans sa vie par une Autre scène qui a son fonctionnement propre et ses règles afférentes, Autre scène qui doit son salut à l’Urverdrängung, au refoulement originaire, donc à l’objet perdu dès l’origine.
Cette demande de retrouver un sens à leur travail (travail qu’ils avaient choisi pour certains en fonction des valeurs et idéaux qu’il contenait à leurs yeux) n’est sûrement pas sans rapport avec la dimension organisationnelle qui prévaut et qui, sans véritablement qu’ils s’en rendent compte, les éloigne de la relation avec le résident, et donc de la dimension transférentielle, tout en les transformant parfois en automate, en robot, en ustensile, les réduisant à l’objet a, ici positivé. Que l’on songe ici aux Temps modernes de C. Chaplin qui imagent de façon magistrale la manière dont un sujet peut être pris, à ses dépens, dans les rouages d’une telle machinerie, jusqu’à en devenir un lui-même. Plus récemment, les témoignages d’ouvriers dans le beau livre de S. Béaud et M. Pialoux[15] l’illustrent à merveille.
Autrement dit, ce temps d’analyse de la pratique ne serait-il pas un moyen pour se réaccorder à la machine signifiante, à leur savoir insu, « à quelque chose de fondamental du sujet », là où la machine capitaliste et gestionnaire, en les privant de leur savoir, peut avoir pour effet chez ces sujets de faire surgir, en les y réduisant, l’objet a, les amenant à éprouver mal-être, angoisse et honte ? Ainsi cet espace, ici, en tous cas, lors de cette première séance, me semble avoir eu pour fonction de permettre à certains d’être de nouveau représenté par un signifiant pour un autre signifiant, et ce grâce à la parole, et concomitamment, d’avoir permis de remettre dans les dessous l’objet. La parole aura eu pour effet, momentanément et non pas une fois pour toute bien sûr, de sortir ceux qui ont pris ce risque de parler d’un état continu de passivation, et de les amener à trancher, et à acter la nécessité de symboliser la mort des résidents, symbolisation nécessaire pour ceux qui restent, qu’ils s’agissent des autres résidents ou des professionnels. Faute de quoi ces disparus erraient dans le service, tels des fantômes. Cette séance a-t-elle fait acte ? Il semble bien, car là où régnaient l’errance et le flottement continus, le travail de l’équipe, par la voix de ses « épars désassortis[16] », a permis de se raccorder à leur savoir sur la mort, et à la nécessité du deuil, de la perte. C’est bien en effet la mort, contingence humaine, qui avait été évacuée du service. Les travaux de P. Ariès[17] montre avec acuité la manière dont la mort au XXème siècle fut expulsée de la société, et ce pas sans rapport avec la médicalisation afférente. Il suffit d’ailleurs d’avoir observé quelques jours un service de médecine hospitalier pour repérer ce trait patent, sans compter que l’actualité récente, avec le COVID et les mesures gouvernementales qui en ont découlé, a participé à bouleverser l’importance de ce qu’on appelle les rites funéraires, qui ont une fonction décisive que Lacan rappelle dans Le désir et son interprétation : « Qu’est-ce que les rites funéraires ? Les rites par quoi nous satisfaisons à ce qu’on appelle la mémoire du mort, qu’est-ce, si ce n’est l’intervention totale, massive, de l’enfer jusqu’au ciel, de tout le jeu symbolique[18] ». Ainsi en faut-il des symboles, pour venir border ce trou dans le Réel.
Ces disparitions (de résidents dont la mort était tue, si je puis dire) ne venaient-elles pas enfin dire quelque chose de la propre disparition subjective des professionnels, tels, là aussi, des fantômes errants dans le service, occupés à répondre aux exigences d’une machinerie administrative sans faille et déshumanisée, « impersonnelle[19] » transformant le sujet de l’énonciation en simple sujet de l’énoncé, sous l’effet des protocoles multiples à appliquer sans réfléchir ?
La manière dont je dis ici les choses pourrait laisser entendre que je pris le parti des professionnels contre la Direction ou l’Administration. Il n’en est pourtant rien. Car, une fois l’hystérisation du discours mise en place, la plainte à l’œuvre, il n’est pas question de hurler avec les loups, pour l’analyste. Cela ne permettrait évidemment pas qu’un pas de côté puisse s’opérer. Un peu à la manière de Freud qui demande à Dora quelle est sa part de responsabilité dans la plainte qui est la sienne, l’analyste, là, doit veiller à ne jamais entériner des places figées telles que celles, respectivement, qui pourraient s’apparenter à la figure de la victime et du bourreau. La demande ne doit pas être prise au pied de la lettre de manière à pouvoir laisser une chance au désir, nous le savons. Chacun dans l’équipe a donc à faire ce travail de trouver ou de retrouver sa part de responsabilité dans le désordre dont il se plaint, grâce en partie à cette présence très particulière de l’analyste, ici, en position de semblant d’objet a, d’objet cause du désir. N’est-ce pas en effet cette position qui a permis à l’équipe, au fur et à mesure des échanges, de retrouver ce savoir sur la mort, savoir tout à fait nécessaire au déploiement de la dimension désirante ?
Ce sont à ces questions que nous continuerons à nous atteler dans les séances suivantes de notre groupe de travail, en dépliant notamment, le 30 novembre 2021, la question de la demande (commande) institutionnelle (à différencier de la demande de l’équipe), demande qu’il faut savoir décoder, et à laquelle parfois il s’agit de ne pas répondre favorablement, lorsque les contours de celle-ci laissent présager, à plus ou moins long terme, un impossible travail avec les équipes. Nous le verrons, c’est donc le désir de l’analyste qui est en jeu dès cette première rencontre, avec l’instance hiérarchique ou dirigeante.
Celles et ceux qui souhaitent se joindre à ce travail peuvent se rendre ce jour-là au local de l’ALI à Grenoble, 6 cours Jean Jaurès.
[1] Freud, S. (1921), « Psychologie des foules et analyse du moi », in Essais de Psychanalyse, Paris, Payot, 1981.
[2] J’emploie ici ce mot à la suite de Lacan qui propose dans le séminaire du 22 novembre 1967 de l’Acte psychanalytique que la forme du verbe conjuguée à l’imparfait (« il déconnait à plein tuyaux ») puisse aussi, voire plutôt se lire au présent : « il dé-connait quoi ? », autrement dit, de penser la connerie comme une déconnaissance (celle qui consiste à recouvrir l’inconscient d’interprétations visant à fermer, plutôt que de laisser béant ses manifestations).
[3] Anzieu, D. (1975), Le groupe et l’inconscient : l’imaginaire groupal, Paris, Dunod, 1999.
[4] Mannoni, O., La Machine, Tchou, 1977, p. 10.
[5] Ibid., p. 70.
[6] Je souligne.
[7] Je souligne.
[8] Rouzel, J. (dir.), La posture du superviseur, Eres, 2020, p. 8.
[9] Lacan, J., (1969-1970), L’envers de la psychanalyse, Paris, Seuil, 1991.
[10] Ibid., p. 34.
[11] Lacan, J., (1968-1969), D’un Autre à l’autre, Paris, Seuil, 1991, 2006, p. 172-173.
[12] Je souligne.
[13] Ibid., p. 238-239.
[14] Lacan, J. (1953-1954), Ecrits techniques, Publication hors commerce, Edition ALI, p. 9.
[15] Beaud, S., Pialoux, M. (1999), Retour sur la condition ouvrière, Paris, Fayard.
[16] Lacan, J. , « Préface à l’édition anglaise du Séminaire XI », Autres écrits, Seuil, 2001, p. 573.
[17] Ariès, P. (1977), L’homme devant la mort, Paris, Seuil.
[18] Lacan, J. (1958-1959), Le désir et son interprétation, Publication hors commerce, Edition ALI, p. 359.
[19] Mannoni, O. op. cit., p. 170.